Retraite : la capitalisation, hier taboue, aujourd’hui sur la table des discussions

Longtemps boudée par les syndicats, perçue comme l’antithèse du système solidaire par répartition, la retraite par capitalisation s’invite désormais au cœur des discussions entre partenaires sociaux. Ce qui était hier un « gros mot » est en passe de devenir une option sérieusement envisagée pour l’avenir de nos retraites. Un changement de paradigme impulsé par le patronat et même soutenu, à demi-mot, par le gouvernement.

Un virage stratégique impulsé par le patronat

Le Medef et la CPME n’ont jamais caché leur souhait de voir une part de capitalisation intégrée au modèle actuel. Leur objectif ? Un système hybride, qui conjuguerait la solidité du mécanisme par répartition avec la flexibilité et les opportunités de la capitalisation. Une idée reprise par la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, qui rappelait fin février que « 15 millions de Français aujourd’hui font de la capitalisation, (…) ce n’est absolument pas tabou pour les Français. »

Initialement absente de la feuille de route établie par François Bayrou, la question de la capitalisation a gagné du terrain grâce au retrait de la CGT et de Force Ouvrière des discussions. Ces deux syndicats, farouchement opposés à un système qu’ils jugent « individualiste et risqué » et « qui rompt avec l’égalité financière et sociale », ont involontairement ouvert la voie au patronat. De son côté, la CFDT, tout en insistant sur le maintien d’un « cœur du système » par répartition, ne s’oppose pas à l’existence de systèmes de retraite supplémentaires par capitalisation.

La capitalisation : une réalité déjà bien ancrée en France

Loin d’être une nouveauté, la capitalisation est déjà une réalité pour une partie des Français. Au-delà de la Préfon, le régime facultatif de retraite complémentaire de la fonction publique, le Régime Additionnel de la Fonction Publique (RAFP), créé en 2005, en est un parfait exemple. Quelque 4,5 millions de fonctionnaires cotisent obligatoirement à ce régime, à hauteur de 5 % de leurs primes, avec une contribution équivalente de l’employeur. Ces cotisations sont transformées en points, qui donnent lieu, au moment de la retraite, à une rente ou à un capital. En 2023, la rente moyenne annuelle distribuée s’élevait à 438 euros, et le capital moyen à 3 989 euros, des chiffres appelés à progresser avec la maturité du dispositif.

Les défis d’une transition délicate

L’idée d’un système hybride généralisé est séduisante, mais elle soulève des questions complexes. La principale est celle de la transition entre un modèle entièrement par répartition et un modèle intégrant une part de capitalisation. Comment éviter que certaines générations soient « sacrifiées », contraintes de naviguer simultanément entre les deux systèmes ?

Le soutien financier des pouvoirs publics pourrait être une solution, mais l’exercice est périlleux dans un contexte de déficit public avoisinant les 6 % du PIB. Le Fonds de Réserve pour les Retraites (FRR), créé en 1999 pour anticiper l’arrivée des baby-boomers à la retraite, pourrait également être sollicité. Cependant, son usage a été détourné depuis 2010 pour éponger les déficits de la Sécurité sociale. Le Conseil d’Orientation des Retraites estime que l’actif résiduel du FRR ne devrait être que de 15 milliards d’euros en 2030, bien loin des 150 milliards d’euros initialement prévus. Il faudra donc trouver d’autres sources de financement pour opérer la bascule.

L’ombre des marchés financiers et la méfiance de l’opinion publique

La situation outre-Atlantique, avec les récentes fluctuations des marchés financiers et les déclarations de Donald Trump qui ont ébranlé de nombreux fonds de pension américains, alimente les inquiétudes. Patrick Martin, lui-même, concédait début avril que des « milliers de milliards de dollars d’épargne pour leurs retraites » avaient été perdus.

Si certains partenaires sociaux semblent prêts à prendre un risque mesuré, l’opinion publique reste sceptique. Un sondage Ifop réalisé pour la CGT, début avril, révélait que seuls 29 % des Français avaient confiance dans les marchés financiers pour assurer le financement de leurs retraites. Une proportion qui n’a probablement pas augmenté depuis la crise boursière provoquée par les déclarations de Donald Trump.

Le débat sur la capitalisation est donc loin d’être clos. Il devra trouver un équilibre délicat entre les impératifs financiers, la recherche de flexibilité et la nécessité de préserver la confiance des citoyens dans leur système de retraite

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